vendredi 27 mai 2011

Souvenirs des fondateurs Bernard Demers

Mes souvenirs de l’Arche des Jeunes

Par Bernard Demers
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Ça fait quand même plus de 45 ans et, le temps faisant son travail, je m’aperçois qu’il y a des blancs dans mes souvenirs. Quand je pense à la préhistoire de l’Arche, c’est vague…. c’est flou ! Les premières rencontres avec le frère reproducteur de la communauté des Frères du Sacré Cœur, un certain Frère Florian Jutras. Vagues images de Granby et de Joliette souvenirs altérés des ces « auditions de disques » ou on tentait de décortiquer les « Moi mes souliers », « Feuille de gui » et « C’est beau la vie » de cette époque !

Puis la mémoire semble plus précise (enfin, un peu !) à partir de cette rencontre chez Yves (Prescott) . Dans mes souvenirs, cette rencontre est le vrai début de l’Arche. Nous n’espérions plus grand-chose de ce projet qui durait depuis 2 ans et voilà que Frère Florian Jutras (qui allait devenir Flo) et Frère Gilles Vincelette nous apprennent que la maison a été trouvée et il nous montre une photo « 8 par 10 » en noir et blanc de cette grande maison qui allait devenir….vous savez quoi !

Le pep a monté d’un cran et les étincelles dans les yeux, la dizaine de gars et la seule fille de cette rencontre ont commencé à planifier la naissance de ce « centre d’accueil » comme on disait à l’époque. Ce fut d’abord son baptême, grosse discussion autour de « L’enclume », « Le Grenier », « Le Pied-à-terre » et bien d’autres de type boîte à chanson des années 67 et c’est pourtant en 2 minutes que, sur une suggestion de la seule fille présente (Micheline Last) est née, de la rue l’Archevêque, L’Arche des Jeunes. Le reste de la rencontre est plus vague, ménage des lieux, prise de possession etc.

On a aidé un locataire à déménager, on a fait du ménage dans la cave et sur le terrain puis ce fut l’ouverture ! Je crois que c’est à cette époque que Léo et Pierre se sont joints à nous et plus tard le jeune Rémy complétera ce quintette.

Un été qui a marqué ma vie. Plein de monde, plein de souvenirs, tellement que j’en oublie sûrement. D’une douzaine de personnes au départ nous nous sommes retrouvés en quelques semaines 30, 60, 90 et plus. Ça prend un comité responsable, on va faire des règlements, ça rentre à pleine porte, faut limiter, on a remonté l’âge minimum à quelques reprises pour finalement le fixer à 16 ans, pas de drogue, pas de « nikking ». Ça prend une affiche à la porte, Pop s’en occupe. Je suis d’avis que la porte du bureau du comité responsable doit être fermée, Léo n’est pas d’accord…. grosse discussion, le comité vote… la porte restera ouverte. C’était l’apprentissage de la démocratie pour cette jeune société.

Tout a été tellement rapide et intense que je n’arrive pas à replacer mes souvenirs dans le bon ordre. Les veillés sur le perron, les parades de mode (hé qu’on était beau!), le café français avec Serge Gagnon et Margot Deslauriers, le café mortuaire avec Jean Deschamps, le « pubzieutophonique » avec Daniel Mourand, les joueurs de cartes avec Momon, Picouille et bien d’autres, le camp de restructuration, la république de l’Arche avec Hugues Chicoine, les Albatros avec Marie-Paule Dugas, Danielle Millette et Francine Roy (je crois), le poulet pas cuit de Diane Lagacé, madame Rodrigue la cuisinière, les Saint-Râlisse de cire à claque, les soirées autour du piano….tous les garçons et les filles, la vie est un chronomètre, à l’Arche on s’arrache les doigts et j’en oublie ……

Je me souviens également de la nouvelle cave avec la fresque de Jacques Payette, la chambre noire de Gilles, une certaine interprétation théâtrale de François Gélineau, la danse avec « Les Perreault » comme on disait.

Je me souviens aussi de la pharmacie et son café avec de la broue…. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, bouteille ! Hey Ti-Rock, 2 autres !

Quand j’y pense maintenant que j’ai la soixantaine, je me demande comment j’aurais réagi si j’avais été un voisin de l’Arche moi qui aime la tranquillité de ma rue. Encore plus, comment les frères vivaient-ils cette expérience. J’avoue qu’à l’époque je ne me suis jamais soucié de cela, ils étaient là quand on en avait besoin, ils étaient les gardiens discrets de la moralité, ils faisaient partie des meubles, c’était le « kit Ikéa de l’Arche, le terrain, le bâtiment, les meubles et les frères. Ça prenait un foutue dose de générosité et d’altruisme pour vivre et aider des jeunes qui arrivent souvent avec l’insolence de ceux qui savent et, comme disait Jean Gabin, aujourd’hui nous savons que nous ne savions pas !

Plusieurs d’entre-nous sommes allés au deuxième étage pour raconter nos problèmes avec nos parents ou nos peines d’amour. On avait souvent un frère préféré. Ils étaient cinq, ils avaient chacun une personnalité différente, on avait le choix. Ils nous écoutaient, nous consolaient, nous conseillaient et nous « brassaient » de temps en temps mais nous savions qu’ils étaient là ! Frère du Sacré Cœur un jour….

Je suis arrivé à l’Arche avec mes deux amis d’enfance, Jean-Louis Gill et Yves Prescott sans savoir toute l’importance que cet événement aurait dans ma vie. Aujourd’hui, Jean-Louis, Yves et bien d’autres nous ont quittés mais je réalise que ceux que nous trouvions vieux à l’époque (les frères) sont toujours avec nous et pétant de santé. Faut croire que la soutane ne maganait pas son homme !

Finalement j’y ai vécu deux années intenses qui ont formé une partie de ma personnalité et de ma relation avec les autres. Des amitiés, des amours mais aussi des affrontements et des ruptures mais quelques chose est resté profondément ancré en moi qui donne à mes amis de l’Arche une couleur différentes de toutes mes autres amitiés.

Je sais maintenant que nous avons été privilégiés, les planètes se sont enlignés pour nous. Les efforts de Flo et la générosité des frères ont portés fruits et nous, nous avons été là au bon moment.

Bernard

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